L’option de Cabot

Le passage hier soir du détroit de Cabot, entrée « officieuse » dans l’Océan Atlantique, a été le théâtre de la première grande scission stratégique au sein de la flotte de la transat Québec-Saint-Malo. Englués dans une dorsale anticyclonique et ses airs faibles et instables, trois Class 40 ont embouqué, dans le sillage du grand VOR70 Atlas Ocean Racing, le détroit sur une route Nord au plus près de Terre-Neuve, bien calés sur la route orthodromique. Choix payant puisque ces trois protagonistes, Alla Grande Pirelli (Ambrogio Beccaria), Acrobatica (Alberto Riva) et Groupe Pierreval-Fondation Good planet (Vincent Riou) occupent ce matin les trois premières marches d’un très provisoire classement. Le gros du peloton, soit 14 bateaux, navigue une vingtaine de milles plus au sud, toujours au contact et en manœuvres permanentes pour chasser le moindre filet d’air. La mer est plate, le soleil bien présent, et la tension au maximum dans la crainte de voir un concurrent s’envoler dans une providentielle risée. Le vent d’est semble s’installer sur l’archipel de Saint-Pierre et Miquelon, l’objectif avoué en cette fin de 4ème jour de course.

 

Les sans-fautes Italiens.

Large d'environ 110 kilomètres entre le Cap Ray sur l'île de Terre-Neuve et l'île du Cap-Breton, le détroit de Cabot est situé dans l'est du Canada. C'est le plus large des trois accès du Golfe du Saint-Laurent à l'Océan Atlantique. Son nom vient de l'explorateur génois Giovanni Caboto, ou Jean Cabot. Hasard de la course, c’est, en Class40, un duo Italien qui mène les débats. Ambrogio Beccaria (Allagrande Pirelli) poursuit son sans faute stratégique et a su créer un premier écart d’une quinzaine de milles sur son poursuivant immédiat, son camarade transalpin Alberto Riva aux commandes de son sister-ship, le Musa40 Acrobatica signé Gianluca Guelfi. Vincent Riou intègre le Top 3 de la course sur cette même option favorisée en journée par le vent thermique au ras des côtes de Terre-Neuve.

 

Décalage…

Plus au large, la bataille fait rage à la recherche du moindre souffle d’air. Ça empanne, ça renvoie de la toile, ça règle au millimètre, et ça barre en permanence. Ça s’éloigne surtout de la route directe et le bilan comptable pour un Achille Nebout (Amarris) longtemps aux avant-postes, bord à bord avec Ambroggio, se monte ce matin à un déficit de plus de 20 milles. Un décalage en latitude qui relance, si besoin était, le suspense dans cette Transat au contact. Le passage sous l’archipel de Saint-Pierre et Miquelon permettra-t-il un regroupement en tête de flotte? Qui des « Sudistes » ou des « Nordistes » touchera en premier les flux d’est attendus ? L’immense Atlantique les attend, sous un jour peu classique, en l’absence des habituels trains de dépression descendus du Labrador, animé semble-t-il par des masses de haute pression Açoriennes.

A noter :

Les 3 plus grands voiliers de la Classe Gerry Roufs (plus de 60 pieds) doivent laisser l’île de Saint-Pierre à tribord, tandis que les Class40 font route directe vers Saint-Malo. La Classe Gerry Roufs devra ensuite mettre le cap sur le Sud de l’Irlande et le rocher du Fastnet à laisser là encore sur tribord. Le Québécois Georges Leblanc et son VOR 65 El Unicornio sont parvenus hier à passer le grand Lycée maritime et aquacole de Larochelle de Wilfrid Clerton dans les petits airs du détroit de Cabot.

Ils ont dit :

Ambrogio Beccaria - Alla Grande Pirelli : 1er à la marque Rivière aux Renards

« Belle course dans le Saint-Laurent, très difficile. On s’est bien positionné au centre du fleuve. Peu de vent à la bouée. On a poussé notre option et on est passé en tête devant Crédit Mutuel et Legallais. Moment très dense et spécial. La flotte a un très bon niveau et tout monde se bat pour chaque mètre.

Je n’ai pas fait le convoyage vers Québec, mais j’ai senti le besoin de tester le fleuve. On a trouvé un Québécois qui a fait la Mini, Damien Depas, et on a pu naviguer avant le départ avec lui sur le Saint Laurent. C’était important de se familiariser avec les courants, comme lors du passage à l’île aux Coudres, où nous sommes passés par le Sud. J’ai été surpris que beaucoup de bateaux tentent le Nord. Puis on est resté au milieu du fleuve et on a joué avec le thermique. Nous sommes contents de notre début de course car toutes nos options ont payé. Et à présent on est toujours dans du thermique sous Terre-Neuve et peu de bateaux nous ont suivi là, Alberto Riva et Vincent Riou.

Nous entrons dans une phase plus océanique de la course, avec moins de manoeuvres mais plus de stratégie. J’espère que nos choix vont continuer d’être les bons. Cela s’annonce compliqué et la météo est très changeante. Ce sera lent et difficile, comme depuis le début.

Les températures sont clémentes, et j’espérais voir plus de baleines. »

Vogue avec un Crohn - Pierre-Louis Attwell

« Nous sommes sortis d’un long fleuve pas tranquille, le Saint Laurent. On approche du détroit de Cabot, avant Saint Pierre. Et il y a une dorsale sans vent à traverser. On est dans la molle. C’est paisible mais il faut beaucoup travailler dans les petits airs changeants. On cherche à aller vite au milieu du paquet de Class40. »

Ian Lipinski - Crédit Mutuel

« Ça bataille dans les petits airs depuis deux jours. Tous les poids du bateau sont à l’avant, y compris Antoine (Carpentier) qui y dort. On a des concurrents en visu. Il y en a partout ! C’est une belle bataille, sur mer plate. Ça mouille pas et il fait beau. »

Captain Alternance - Thomas Jourdren

« Sous Gennak, en compagnie des mêmes petits copains, Nestenn, La Boulangère, Everial, Vogue avec un Crohn…  On est bien accompagné par de petits rorquals. On n’est pas gâté par le vent, mais il fait beau. »

Achille Nebout - Amarris

« Beaucoup de rebondissements dans cette course. C’est loin d’être fini cette histoire ! »

Mathieu Jones - Alternative - Construction du Belon

"On a marché à 4- 5 noeuds toute la nuit. La mer est lisse comme un lac. C'est très humide. On a pas mal de petits copains à vue. C'est sympa. Très bonne ambiance à bord. On approche de Saint-Pierre et Miquelon."

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