Comme à la parade !

C’est à bonne allure, au près et toujours propulsés par la bordure orientale d’une dépression Atlantique que 18 Class40 et l’Open 50 de la Classe Gerry Roufs s’approchent en rangs serrés de la pointe de Bretagne. Ouessant et sa DST, Dispositif de Séparation du Trafic, n’étaient plus ce matin qu’à moins de 150 milles du leader toutes classes confondues. Fabien Delahaye (Legallais) n’a désormais plus de marge de manoeuvres, bord à bord avec Achille Nebout (Amarris) et sous la menace d’une douzaine de protagonistes revenus à une quinzaine de milles de son tableau arrière. Parvenu malgré tout à préserver sa position sous le vent de la flotte, il sait d’où vient le danger et va toute la journée tenter de demeurer en situation de contrôle, jusqu’à Ouessant, d’où un nouveau départ très virtuel sera alors donné, pour une flotte compacte où les cartes auront été une nouvelle fois rebattues. Après 2 600 milles de course, 14 jours de régate au couteau, et à moins de 270 milles de l’arrivée à Saint Malo, la 10ème édition de la Transat Québec Saint Malo se refuse toujours à désigner ses lauréats.

Nouveau départ à Ouessant !

Si Jules Bonnier (Nestenn- Entrepreneurs pour la planète) s’amusait hier de voir Wasabii (Stéphane Bodin) et Nicolas Jossier (La Manche Évidence Nautique) le doubler en vitesse pure, c’est bien en conscience de sa propre performance. Premier des trois «pointus» en lice, Class40 ancienne génération dotés d’étraves droites, Jules, ses équipiers Yaël Poupon et Julie Simon sont au contact des «nez ronds», à une cinquantaine de milles du leader, et en capacité de se mêler à la belle fête Bretonne en préparation pour cet haletant dernier tronçon de la Transat, le long des rivages Finistériens et Armoricains. Magnanime, la dépression en circulation dans le Sud-Ouest Irlandais continue d’alimenter de ses flux de Sud Sud Est l’ensemble des protagonistes tous auteurs cette nuit d’une honorable progression à plus de 10 nœuds de moyenne dans le golfe de Gascogne. La tension est palpable et chaque erreur, dans les réglages et combinaisons de voilure se paieront cash en milles et en places au tableau d’honneur. Un tableau plus indécis que jamais qui ne se décidera, à n’en point douter, que dans les tout derniers milles, en Manche, ou au plus près des cailloux bretons, selon l’humeur plus ou moins joueuse des skippers. La multiplication et la pertinence des changements de bord détermineront alors les classements. Une perspective qui n’enchante guère l’actuel dauphin et probable nouveau leader Amarris, privé d’un safran et que chaque virement ou empannage condamne à 30 minutes d’une fastidieuse manœuvre de basculement de leur unique safran d’un bord à l’autre. Chaque hectomètre va toute la journée se gagner à la risée, aux micro-réglages, au talent des barreurs, tant minimes sont les écarts et proches les performances des Class40 travers au vent.

Même issue indécise en Classe Gerry Roufs

Bien calé sous le vent de la flotte des Class40, l’Open 50 de Patrick Isoard, Uship pour Enfants du Mékong, trace lui aussi une route efficace, aux basques des leader de la Classe Gerry Roufs, le grand VOR 70 de Gilles Bardot, Atlas Ocean Racing, quelques 90 milles en son Nord et en bordure moins ventée de la dépression. Autant dire que là aussi rien n’est joué pour la victoire finale. Wilfrid Clerton (Lycée maritime et aquacole de Larochelle) et Georges Leblanc (El Unicornio), s’ils évoluent toujours dans le même système météo que les leaders de leur classe, doivent en revanche contourner le centre déventé de la dépression et rallongent leur route au Sud.

Les mots du large :

Corentin Douguet - Legallais

« Pas facile à avaler cette situation. On essaie de faire avancer le bateau au mieux mais c’est difficile de voir revenir les adversaires. On ne sait pas si on sera en tête à Ouessant ce soir. Une nouvelle régate repartira de là ce soir. On butte depuis plusieurs jours sur un mur sans vent. On ne va rien lâcher. On ne donnera pas cette Québec Saint-Malo sans combat. Pas de cadeau ! »

Mathieu Mathelin - Dékuple

« L’avance des leaders fond très vite, ce qui nous permet de revenir de l’arrière. On recolle avec la tête et c’est génial. Arrivée dans les petits airs demain lundi après-midi. On a les crocs, suspens intense !»

IBSA Group - Alberto Bona

«On est au près, avec Sogestran- Seafrigo juste à côté. On s’amuse et on pousse le bateau. On est dans la dorsale, sous le soleil. Ça va être serré jusqu’au bout, deux jours très intenses. On va terminer avec un petit côtier jusqu’à Saint Malo… »

Jules Bonnier - Nestenn - Entrepreneurs pour la planète

«Au soleil, devant le front, mais un peu de frustration avec Everial qui est arrivé sous le vent et qui allait plus vite que nous. Il est loin devant. On a aussi eu appel de Nicolas Jossier de la Manche Evidence Nautique qui allait 1,5 nœuds plus vite. On est à 100% des polaires du bateau et on ne peut pas aller plus vite. On est content d’être là. On fait route vers la maison. Rendez -vous lundi après-midi à Saint Malo. »

Antoine Carpentier - Crédit Mutuel

«La remontée était prévisible depuis plusieurs jours déjà, inespérée, c’est sûr que c’est mieux quand tu es derrière et que la flotte se regroupe. Mais on a pas avancé autant que l’on aurait aimé par rapport aux sudistes. La route est encore longue. En revanche, pas grand chose à jouer avant les côtes bretonnes, c’est une course de vitesse jusque là ! En Manche, ça s’annonce sur un seul bord aussi, mais je suppose que des coups vont être tentés soit à terre  soit au large. Ça va être difficile pour le leader de contrôler tout le monde. Niveau nourriture, on est bien, pas de rationnement drastique comme lors de la Transat Jacques Vabre avec Pablo Santurde. Le choix de partir à 3 est plus que validé. A 4 dans ces class40, ça n ‘est pas vivable. Niveau fatigue, on est plutôt bien frais pour une fin de parcours... On a hâte de finir cette route des baleines (C’ est le nom que l’on a donné à cette magnifique Transat Québec Saint-Malo)!»

Julia Virat - Femina Ocean Challenge Equinoxe - A moins de 700 milles de l’arrivée

«Les jours se suivent, ne se ressemblent pas, et un flou géant s’est emparé du temps, ce qui fait que je ne sais plus trop où on en était restées…

Je crois que nous nous apprêtions à nous faire piétiner par la dépression. Elle a effectivement fait son job, on a passé plus de 24h dans des conditions solides, 30-35 nœuds au près dans une mer formée et croisée, bref, dégueu quoi !.

Le bateau et nous étions prêts, mais on a évidemment subi et comme toujours dans ces conditions, les ennuis sont vite apparus !

Suite à ces 2 jours bien sportifs, on essaye de récupérer un peu de la fatigue.

Le bateau tangue et roule car la mer est toujours agitée par cette houle désordonnée, et le vent n’est plus assez fort pour nous permettre d’avoir le dessus. Je suis en train de recevoir le fichier Grib salvateur et je vais pouvoir repasser tout mon temps sur l’ordi à faire des calculs d’apothicaire. Solène, qui s’est blessée vers St-Pierre-et-Miquelon (fracture coccyx + 1 côte) gère super bien : elle arrive à manœuvrer en serrant les dents, et je crois qu’elle va être bien contente que les conditions s’apaisent.»

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