Des maux et des bosses

Encore sous le choc du naufrage et de la disparition corps et bien du récent plan Guelfi Acrobatica, dont l’équipage sain et sauf débarquera aujourd’hui sur l’île de Florès aux Açores du super Tanker Libérien arrivé opinément pour les secourir, la flotte de la 10ème Transat Québec Saint-Malo a enregistré hier deux nouveaux abandons (certes non encore officiellement déclarés) de voiliers sévèrement et structurellement endommagés, AllaGrande–Pirelli d’Ambrogio Beccaria, et Alternative Sailing–Construction du Belon de Mathieu Jones. Au vent fort et à la mer abrupte responsables de bien des misères à bords des voiliers de la Transat, succèdent aujourd’hui les affres de l’anticyclone dont le lent alanguissement au Nord Est des Acores vient bloquer la progression des bateaux vers le Golfe de Gascogne. Au près dans un vent de Nord Est, les Class40 n’ont d’autre choix que de gagner dans l’Est le plus vite possible pour échapper aux miasmes de la dorsale qui dans 24 heures bloquera l’approche du cap Finisterre.

Des ETA qui s’étirent…

Quelle est longue la route de Saint-Malo. Les 11 à 12 jours de traversée envisagés depuis Québec se transforment au rythme des dépressions et des anticyclones en 15, voire 16 jours désormais nécessaires à la flotte pour rallier la Cité corsaire, soit mardi prochain 16 juillet. L’évolution rapide des fichiers météos continue de mette au supplice les navigateurs, constamment pris au dépourvu par l’incohérence des prévisions annoncées. A une dépression plus virulente que prévue, (d’aucuns ont encaissé plus de 40 nœuds de vent), succède le gonflement devant leurs étraves d’une dorsale anticyclonique et ses calmes consternants. L’allure est au plus près du vent de Nord Est évanescent, sur une mer désordonnée qui continue de malmener les bateaux. A 470 milles dans l’ouest du cap Finisterre, Fabien Delahaye, Corentin Douguet, Benjamin Schwartz et Henri Lechartier préservent le leadership de leur Class40 Legallais, pour une poignée de milles devant un bien méritant Amarris, dont l’équipage autour d’Achille Nebout, Gildas Mahé et Alan Roberts, multiplie les tours de force pour appuyer leur plan Lombard sur le seul safran qui leur reste. 5 voiliers naviguent aux avant-postes, en une trentaine de milles seulement. L’élastique s’est étiré cette nuit en défaveur des poursuivants venus tardivement buter dans les petits airs et ils sont désormais 17 bateaux à naviguer dans un espace de 150 milles en longitude.

À noter

D’un commun accord, la direction de course et les 4 voiliers de la Classe Gerry Roufs ont décidé de ne pas franchir la marque du Fastnet, au Sud de l’Irlande. Les grands voiliers de la flotte, toujours emmenée par l’Open 50 Uship pour enfants du Mékong font, comme les Class40, route directe vers Saint Malo.

Guillaume Pirouelle, skipper de Sogestran – Seafrigo, à propos du tout nouveau record des 24 heures….

« Forcément super content d’avoir décroché ce record après cette option nord qui a été un fiasco. L’objectif premier était de rattraper le paquet du sud et donc de faire marcher le bateau le mieux possible en arrière de cette dépression pour avancer avec elle.
Au début nous avons eu des conditions incroyables qui nous ont permis de réaliser ce record, vent entre 20 et 30nds à 100⁰ du vent sous J1 et GV 1 ris. Nous nous sommes relayé pendant les 48h derrière cette dépression car les conditions étaient très fatigantes et il ne fallait pas casser de matériel. Nous pensons à Acrobatica, qui avait amélioré ce même record des 24 heures en avril dernier. C’est très triste pour eux. Nous avons nous même eu pas mal de soucis en début d’année avec notre bateau et avons failli le perdre alors je sais que ce sont des moments difficiles. Heureusement ils sont saufs c’est le plus important. »

Point sur les ETA, Estimated Time of Arrival...

Pour les premiers Class40, le 16/07/24 à partir de 1h du matin

Le premier Gerry Roufs, Atlas le 16/07/24 en fin de journée !

Amarris et les changements de safrans...

Suite à la perte d’un safran, le Class40 Amarris pensait pouvoir rallier Saint-Malo en un seul bord, mais ce ne sera pas possible. Achille Nebout, Gildas Mahé et Alan Roberts ont donc du repasser le safran tribord sur bâbord. Ils ont procédé pour la deuxième fois au transfert de leur safran de 40kg d’un bord sur l’autre. Une vraie partie de plaisir au milieu de l’Atlantique, avec le bateau à l’arrêt pendant que leurs concurrents continuent d’accumuler les miles. La dépression est passée, les marins retrouvent leurs esprits et réfléchissent à la suite.

William Mathelin – Dékuple

La nuit a été agitée pour Dékuple, dans une mer formée, avec beaucoup de vent et au près, mais qui a permis au Class40 de continuer à recoller au groupe du sud. La flotte devrait désormais butter dans une dorsale permettant un nouveau rassemblement général. William Mathelin, Pietro Luciani et Axel Tréhin comptent bien profiter du phénomène pour regagner encore quelques milles…

Des news de l’équipage d’Acrobatica :

Alberto Riva, Jean Marre et Tomaso Stella seront finalement débarqués à Florès aux Açores par le super tanker Silver Star qui les a secourus mardi après-midi.

Mots du large :

Ambrogio Beccaria – AllaGrande Pirelli

« Nous étions sur le point de sortir de la petite tempête et nous avons réalisé qu›il y avait de l›eau à l›avant. Cette fissure là, elle crache de l’eau. Impossible pour nous de continuer. Pour l’instant, nous sommes concentrés sur le bateau et nous avons fait une réparation rapide, en collant une grande plaque, pour au moins éviter d’embarquer plus d’eau, mais ce sont des réparations temporaires, nous devrons comprendre les problèmes structurels plus tard.

Nous nous dirigeons actuellement vers le port de Horta aux Açores pour évaluer les dégâts sur AllaGrande-Pirelli et, le cas échéant, procéder à la réparation. »

Georges Leblanc – El Unicornio

« Vent calme, le bateau avance bien. On attend du vent de Sud, ce qui nous plairait beaucoup. On a une pensée pour Acrobatica. L’équipage est sain et sauf et c’est le plus important. J’ai déjà perdu 3 bateaux mais on a toujours sauvé les équipages. Je sais ce que c’est que d’être hélitreuillé en haute mer. On est marqué à vie par de tels événements. La solidarité des marins en mer est exceptionnelle. »

Keni Piperol – Captain Alternance

« On est au près. On vit penché. Ça tape ! Le soleil est de retour après une nuit compliquée. On pense aux concurrents d’Acrobatica. On essaie d’avancer sans casser. »

Fabien Delahaye – Legallais

« La nuit dernière était très engagée. On est au près maintenant, sous voilure réduite. Ça tape fort. Il y a de la mer. On a eu 25 et 30 nœuds hier. On ne lâche rien. On a tout dessus. On se relaie à la barre pour faire avancer vite le bateau. Ça a molli hier en soirée… »

Alberto Bona – IBSA Group

« La vie à bord reprend après le coup de vent. On reprend une vie à peu près normale. On fait des siestes, repos du guerrier. On s’accroche, la course est encore longue.»

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Tension, orages, record et compression.