Tension, orages, record et compression.

Il se passe toujours quelque chose sur la Transat Québec Saint-Malo. La journée d’hier, 9ème jour d’une course à rebondissements par excellence, a été riche en événements, du plus dramatique au plus haletant. Dramatique quand, peu après 9 heures hier matin, la direction de course était informée du déclenchement par le Class40 Acrobatica de sa balise de détresse. En quelques heures, Alberto Riva, Jean Marre et Tomaso Stella étaient hissés sains et saufs à bord d’un super Tanker Libérien.  Dans le même moment et d’un point de vue purement sportif, la course prenait un nouveau tour, toujours plus incertain, avec l’impressionnante compression de la flotte au moment de déborder par le sud un centre dépressionnaire. Les leaders buttent dans les petits airs, sous de virulents orages, tandis que les poursuivants cravachent et recollent au classement. 20 Class40 sont ce matin, après 10 jours de régate et près de 2 000 milles parcourus, resserrés en une centaine de milles. Tous sont en place pour l’acte finale, un long bord bâbord amure vers le Golfe de Gascogne et la pointe de Bretagne.

Record des 24 heures !

La sentence tombée lundi matin sur les partisans d’une option Nord pour rallier Saint-Malo assénait à ces protagonistes plus de 230 milles de retard sur les échappés au Sud. À l’image d’un Ian Lipinski (Crédit Mutuel) ou Guillaume Pirouelle (Sogestran Seafrigo), ce déficit a été ramené, au prix d’une cavalcade effrénée, à moins de 70 milles, décompte en cours ! Les Normands du 197, Pirouelle, Alexis Loison et Jules Ducelier ont, dans ce contexte et avec cet état d’esprit, fait tomber le record de la plus longue distance parcourue en 24 heures par un Class40, avec, tenez-vous bien, 440,2 milles avalés à l’étourdissante vitesse de 18,34 nœuds de moyenne ! Des chiffres qui, plus qu’un long discours, décrivent l’engagement mis par les battus d’hier, à revenir dans le match et prétendre encore aux accessits Malouins.

Léopards Normands!

Hasard du destin, c’est au moment où le Class40 Acrobatica s’abîmait en mer, que Guillaume Pirouelle et ses hommes ravissaient à Alberto Riva son record des 24 heures établis en avril dernier lors de la course transatlantique Niji 40. Le Class40 d’Alberto Riva, Jean Marre et avec Benjamin Schwartz à bord, avait parcouru 433,53 milles à une vitesse moyenne de 18,06 nœuds.

Les Normands brillent décidément de mille feux dans cette Transat. Deux équipages arborant les léopards des Plantagenêt squattent depuis le début de cette deuxième semaine les podiums provisoires. Fabien Delahaye et son Legallais avancent ainsi en défricheur en bordure du centre dépressionnaire en lente (trop lente) évolution dans le Nord Açorien. Ses dauphins sont ce matin le Calvadosien Pierre-Louis Attwell sur le 195 Vogue avec un Crohn, bord à bord avec le revenant Achille Nebout. Le skipper d’Amarris a en effet connu hier un déboire technique qui aurait pu mettre un terme à sa transat. Son safran tribord, sur lequel le bateau était appuyé, s’est en effet brisé net au niveau de la mèche. Au prix de belles acrobaties, Achille, Gildas Mahé et Alan Roberts sont parvenus à interchanger les safrans, remplaçant l’appendice manquant par celui de bâbord. Amarris est de nouveau à l’attaque et ne lâchera plus rien tant que les vents d’Ouest puis de secteur Nord lui, permettront d’avancer bâbord amure. En embuscade, Vincent Riou et son Pierreval - Fondation Goodplanet et Amélie Grassi, Anne Claire Leberre et Marie Riou qui ont magnifiquement ramené leur La Boulangère Bio à moins de 30 milles des leaders.

Uship pour enfants du Mékong, l’échappée belle

L’allure ultra rapide des Class40, sous spi ou grand gennaker avec des angles au vent idéaux pour leurs carènes planantes mettent la classe Gerry Roufs au supplice. Toujours leader avec désormais près de 150 milles d’avance sur son plus proche opposant, l’Open 50 de Patrick Isoard Uship pour enfants du Mékong peine à tenir la cadence imposée par les 20 monocoques de 12,18 m qui le précèdent. Ses trois adversaires de classe tentent eux de s’extirper des griffes de l’anticyclone qui gonfle en leur Ouest, et qui a également piégé Julia Virat et les filles de Femina Ocean Challenge - Equinoxe. Rejoindre les flux dépressionnaires de Nord Est constitue pour ces équipages l’enjeu de la nouvelle journée qui s’avance.

À noter : L’équipage d’Acrobatica sain et sauf

Il était 9 heures françaises hier mardi 9 juillet quand le Class40 Acrobatica d’Alberto Riva, Jean Marre et Tomaso Stella a déclenché sa balise de détresse Sarsat. L’appel a été entendu par le concurrent le plus proche, E.Leclerc-Ville Legrand d’Antoine et Olivier Magre, qui se sont immédiatement détournés pour rejoindre la zone du naufrage alors distant de 11 milles en leur Nord-Ouest tout en alertant la direction de course de la Transat Québec Saint-Malo. Sylvie Viant de la direction de course a immédiatement mis en alerte les CROSS Griz Nez et de Lisbonne.

Antoine, Olivier Marre et leur équipier James Murphy sont rapidement arrivés vers 15 heures sur la zone du signal, à quelques 300 milles dans le Nord de l’île de Florès aux Açores, et ont pu assister à l’hélitreuillage de l’équipage d’Acrobatica réfugié dans leur canot de sauvetage, à bord du Super Tanker Libérien Silver Star. Alberto, Jean et Tomaso se trouvent ainsi sains et saufs à bord du super tanker en route pour les Etats Unis. Il semble que le Class40 Acrobatica ait coulé.

Les causes du naufrage ne sont à l’heure où nous écrivons ces lignes pas encore connues. Le N°201 Acrobatica, était un plan Guelfi lancé en 2023. Les conditions sur zone étaient fortes, mer formée et vent soutenu.

Mots du large :

Achille Nebout - Amarris

« Plusieurs solutions s’offraient à nous suite à la perte de notre safran, soit on partait vers les Açores et on attendait un safran là-bas, soit on essayait de changer le safran bâbord vers tribord pour pouvoir naviguer en bâbord amure sur la fin de course. C’est une opération très compliquée à faire en mer. Mais après réflexion, on a décidé de le tenter. Et après 2-3h de boulot, on a réussi à insérer le safran. C’est très risqué, parce que si tu fais tomber le deuxième safran dans l’eau la course s’arrête. On a tenté, ça l’a fait !»

Ian Lipinski Crédit Mutuel

«Ça fume ! ça envoie, 22, 23 nœuds, On ne pensait pas pouvoir rattraper la dépression mais ça y est, on est dedans. On y croit et on ne lâche rien!  Pas un centimètre ! »

Fabien Delahaye - Legallais

«Fin de journée apocalyptique hier, au portant dans la molle avec des orages partout et tout autour. Pas très rapide pour chopper la dépression tropicale. L’enfer cette nuit avec des orages et des rafales à 40 nœuds. Changement d’ambiance ce matin. On a touché le Nord Est. On est au près dans les vagues. C’est violent. On essaie de préserver le matériel. On a 25-30 nœuds de vent au près face aux vagues.  Il y aura une dorsale à traverser pour chercher du Sud Est qui nous emmènera en Bretagne. Arrivée pas avant 5 jours ! Pas facile de se reposer. On est trempés. Ça tape fort ! Encore 15 heures comme ça !»

Cédric de Kervenoael - Movember

«Nous avons explosé dans la nuit la galette de J2 avec le J2 qui a souffert de la récupération et qui est inutilisable.

Il nous reste donc Solent et Tourmentin.»

Julia Virat – Femina Ocean Challenge

« On n’a pas de vent. C’est pas très drôle. On a tout essayé, mais il n’y a rien à l’horizon, pas un souffle d’air. ON essaie de préserver les voiles, et on attend, pendant que les autres bombardent à l’avant. Grosse pensée pour nos amis d’Acrobatica ! »

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